Au fils du temps et le Kénèh village

Au fils du temps ou j’ai découvert que mon arrière-grand-père Polycarpe était un photographe les plus diversifiés de l‘empire ottoman je n’ai eu de cesse de découvrir des photographies de Sébah-Joaillier et aujourd’hui je vous fais découvrir des photos et les commentaires de la vie d’hier et d’aujourd’hui.

Ne dit on pas que souvent les photographies disparaissent et reviennent par des chemins mystérieux.. 

738. Keneh village. 1880s.

Photo de Pascal Sebah. Certaines images de Pascal sont signées J.P. Sebah, car il accole l'initiale de son prénom à celle de son père.

Qena, ses poteries, ses almées...

Qena ou Kénèh (autrefois Caene ou Cœnopolis) est une ville de Haute-Égypte, située à une soixantaine de kilomètres au nord de Louxor sur la rive droite du Nil. Elle est le chef-lieu du gouvernorat de Qena.
Proche du temple de Denderah, sur l’autre rive du Nil, elle ne possède pas de vestiges remarquables mais sa mosquée Abd-el-Rahim est un lieu de pèlerinage très fréquenté des Musulmans égyptiens.
“Kéneh, écrivait Émile Delmas, en 1896, a le défaut de n'offrir au touriste aucune antiquité ; aussi, nous hâtons-nous de traverser le Nil, et d'aborder la rive gauche, pour gagner, au petit trot de nos ânes, les ruines de Dendérah. “ (“Égypte et Palestine”)

Dans un article publié par “Al-Ahram Hebdo” le 23 février 2011, Yolande Youssef relevait l’état de propreté et l’agencement moderne de cette ville, en citant le gouverneur de l’époque qui, fièrement, déclarait : “Notre ville est aujourd'hui plus belle que le quartier le plus huppé du Caire. C'est vous les Cairotes qui allez désormais rêver de venir vivre à Qéna et non le contraire !”

Faute d’intérêt d’ordre archéologique, Qena est réputée, de longue date, pour son artisanat. En tout premier lieu pour ses poteries, notamment ses bardaques (gargoulettes), fabriquées à partir d’une argile extraite d’un ouadi proche de la ville, mélangée avec les cendres d’une graminée (Poa cynosuroides) et, une fois façonnée, cuite au soleil. Appréciées jusque dans la capitale égyptienne, les bardaques, étant donné leur porosité, permettent de maintenir fraîche l’eau qu’elles contiennent, surtout si l’on prend la précaution de placer la poterie dans un courant d’air.

“Kéneh (...) a pour spécialité la fabrication des gargoulettes, vases poreux servant à rafraîchir l'eau, et dont il se fait une consommation considérable en Égypte, précise Émile Delmas. Rien de plus curieux et de plus gracieux que ce travail qui se fait à la main, avec des moyens rudimentaires ; en un clin d'œil, à l'aide d'un mouvement de rotation, tantôt centripète, tantôt centrifuge, obtenu par le simple appareil à pédale du rémouleur, une boulette de pâte argileuse, à peine grosse comme un œuf de pigeon, se gonfle, se réduit, se renfle, s'allonge, grossit à vue d'œil et devient une gargoulette élégante, ornée de stries et de reliefs, dans telle forme qu'il vous plaira d'indiquer. La délicatesse de main joue un rôle capital dans cette fabrication, et je puis déclarer, ayant vu l'opération, que le plus habile potier d'Europe n'apporte pas à à son travail plus d'intelligence et de dextérité.”

Dans leur ouvrage “L'Égypte et la Turquie de 1829 à 1836”, vol. 1, Edmond Cadalvene et J. de Breuvery ajoutent : “On fabrique aussi à Kéneh des jarres, dont il se fait, comme des bardaks, de grandes expéditions au Caire. On lie ensemble, la bouche en bas, une grande quantité de ces jarres, maintenues par quelques djérids, et on en forme d’immenses radeaux, souvent de plusieurs rangées d’épaisseur. Ces singulières embarcations, qui ont quelque analogie avec nos trains de bois flotté, descendent le Nil et se détruisent d’elles-mêmes peu à peu à mesure des ventes.”

Certains chroniqueurs, et non des moindres, se plaisent à relever une autre cause à la renommée qu’entretenait jadis Qena, ville de transit sur la route des caravanes menant à Qousseir sur la mer Rouge, à la fois pour le commerce et les pèlerins se rendant à la Mecque : sa “colonie” d’almées. Gaston Maspero écrit plutôt “aimées”, en les qualifiant de “plus que mûres, dernière réserve de la troupe qu'Abbas pacha y avait exilée en 1853”.

“Kéneh, nous dit-on, relate pour sa part Émile Dalmas, possède encore la spécialité des danseuses, qui se recrutent principalement parmi les Nubiennes et les Abyssiniennes ; en effet, nous y avons vu, en plein jour, de belles filles, richement vêtues, assises sur leur porte, et invitant le voyageur à assister, moyennant finances, à leurs exercices chorégraphiques.”

“Kénèh, écrit Ampère, est la dernière ville d'Égypte qui tienne encore au reste du monde.” Le Nil y décrit, en effet, une courbe, la distance en ligne droite qui le sépare de la côte de la mer Rouge n'étant que d'une centaine de kilomètres.

Depuis, un certain canal de Suez aura changé la donne : “En déplaçant les courants et les centres de négoce, (il) a porté un coup sensible à l'importance de Kénèh comme cité de trafic.” Mais ceci est une autre histoire. Un autre chapitre de la grande histoire de l’Égypte.






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